PNL est un groupe de rap français masterclass en termes de business. Effectivement, ils ont tellement maîtrisé l’aspect marketing de leurs projets que leur parcours est devenu un cas d’école… alors qu’au départ les deux frères étaient un groupe de rap underground parmi tant d’autres en banlieue parisienne. Pour se démarquer, le binôme avait besoin de se distinguer radicalement…
La différenciation
Le groupe opère un virage à 180° musicalement avec l’album « Que la famille ». Sur des morceaux comme « Je comprends pas » ou « Simba », le groupe propose une atmosphère désabusée, voire mélancolique. Les rappeurs n’hésitent pas à montrer leurs faiblesses en évoquant des traumatismes personnels. En se servant de l’auto-tune comme peu ont réussi à le faire, ainsi qu’un tapis sonore planant et mélodieux. Il n’hésite pas à « parler » au lieu de rapper comme beaucoup, évoquant simplement leur vie de dealers. À cette époque, dans rap game, la mode est plutôt à montrer ses biceps… La révolution est en marche.
À ce moment-là, la série Gomorra cartonne et PNL commence à s’inspirer de cette ambiance mafieuse, en se laissant pousser les cheveux par exemple. Même si la presse rap commence à s’intéresser à ce groupe qui détonne dans le paysage, ainsi qu’une partie du public, on ne peut pas encore parler de succès.
L’explosion
Ce sera à partir du clip « Le monde ou rien » que PNL trouve sa véritable marque de fabrique. En continuant avec de l’auto-tune parfaitement maîtrisé, ils apportent une science du gimmick et de l’onomatopée jamais entendu jusqu’alors dans le rap français. Au point de vue du visuel, l’ambiance des clips sera dès lors le moteur de leur identité…

Sentiment d’appartenance
PNL acquiert une solide fan base, radicalisée autour du cri de ralliement QLF. Le groupe se distingue par un profond spleen, un sentiment d’exclusion et un rejet du monde extérieur avec une volonté de se venger de ce dernier. Les personnages évoqués dans les chansons, comme Tony Montana ou Mowgli, renforcent cette imagerie de loup solitaire combattant le reste de l’univers.
C’est un principe fondamental du marketing : combattre un ennemi commun avec son prospect, pour forger chez ce dernier un esprit d’appartenance.
Preuve de leur innovation, ils ont été par la suite énormément copiés à tel point qu’aujourd’hui cela est devenu une norme.
Rareté dans la presse
Une autre force de leur marketing, c’est de s’adresser directement à leur audience via les réseaux sociaux, pour les inclure dans le combat que le groupe mène, en les gratifiant pour leurs actions. Par contre, le groupe entretient une certaine discrétion et finalement parle assez peu en dehors de leur texte de rap. C’est tout à fait le contraire de la concurrence qui assiègent les réseaux sociaux presque quotidiennement. En marketing, tout le monde sait que la rareté évoque la richesse. PNL l’a très bien compris.
Storytelling
Beaucoup de jeunes veulent ressembler maintenant à PNL, car ils ont su créer une véritable mode en mélangeant habilement la street et le luxe. Ils ont réussi d’autre part une parfaite narration dans leurs chansons s’articulant sur leur fraternité et leur histoire familiales hors-norme, avec un père qui a fait de la prison et une mère absente.
Pour leur donner de la force, ils peuvent compter sur leur quartier, situé aux Tarterêts, chaude cité de banlieue parisienne de Corbeil-Essonnes dans le 91, où ils possèdent même une street-credibility, l’un des deux frères ayant séjourné à l’ombre pour trafic de stup. D’ailleurs, même le rap français a validé le groupe.
En fin de compte, le message véhiculé dans leurs textes est cohérent, jouant souvent sur l’émotion, un procédé fondamental en publicité ou marketing, avec des thématiques que beaucoup de personnes vivent, comme la misère financière ou l’exclusion sociale. Cette forme musicale sert parfaitement leurs propos en revisitant le cloud rap américain, avec des accords harmoniques simples. Ils se spécialisent dans les refrains addictifs qui resteront dans les têtes comme une formule publicitaire « wé wé wé wé ».

Originalité
S’ils évoquent des thèmes classiques du rap comme la drogue ou le chômage, ils n’ont pas eu peur de sortir des sentiers battus en rappant au sujet de la dépression ou de l’errance. On est là en plein dans le cassage des codes habituels du rap français. Bien évidemment, aux USA, ils y avaient déjà ce genre de chose, mais la grande force d’un entrepreneur, c’est importer dans son pays ce qui fonctionne ailleurs.
Le visuel exotique
Le clip « Le monde ou rien » tourné à Naples, justement dans le quartier de la série Gomorra, a donné un véritable booste à leur notoriété. Le niveau de qualité employé deviendra alors une recette avec une vraie ambition artistique, une invitation à l’évasion, avec des plans tournés par drone, accentuant le côté planant. Chaque clip est un évènement. « Oh Lala » est tourné en Island, une métaphore sur leur cœur refroidi de mecs de tess. Les clips se dérouleront tout autour du monde, rappelant continuellement leur cri de ralliement, « Le monde ou rien ». Tout ce souci du détail était novateur pour le marché du rap français.
Succès et discrétion
Après le succès de ces clips dépaysants, et par la suite de l’album « Le Monde Chico », PNL devient tendance, tous les médias observent la fascination qu’exerce le groupe sur une vaste audience qui va bien au-de là du mouvement Hip-hop. Malgré cela, le groupe reste fidèle à sa stratégie de communication « seuls contre tous, que la famille ». Avare en information, ils suscitent les spéculations et les fantasmes de leurs fans, entretenant leur engagement. Cela devient un phénomène de société.
Community management
Cette imagerie fantasmagorique a fait d’eux une véritable icône de la jeunesse, un univers alimenté par les indices mystérieux lâchés au compte-goutte sur Facebook. Le public se démène pour essayer de trouver des explications, des théories se confrontent au sein de la communauté des fans. PNL a donc su intelligemment attiser la curiosité et entretenu l’esprit de clan, car il faut connaître les références et symboles du groupe, pour faire partie du mouvement et en comprendre les subtilités. Un exemple de science du social media à enseigner dans toutes les écoles de commerces.
Le coup de génie
Ensuite, le style musical évoluera assez peu. C’est plutôt le Storytelling, reflet de la vraie vie des deux frères qui composent le groupe PNL, Ademo et N.O.S, qui va bouger au fil du temps. Toujours dans un esprit de différenciation, ils créeront des modes capillaires ou vestimentaires, proposeront même des clips au format très long d’une demi-heure, avec leur coup de génie, de celui tourné au sommet de la tour Eiffel. Ils organisent même un live de 15 heures sur Youtube en distillant des indices pour la sortie d’un clip.
Guerre publicitaire
Les campagnes publicitaires sont-elles aussi hors normes, visant même l’Espagne ou l’Italie. Pour chaque campagne, ils utilisent la technique du Guerilla Marketing, le but étant de susciter le buzz en défrayant la chronique avec des opérations qui se déroulent dans la rue. On voit aussi que la stratégie est d’avoir le maximum de vues sur Youtube pour battre des records, synonyme de relais par les médias.
Ils poussent parfois même le bouchon un peu plus loin avec la vente d’une autre version de l’album « Deux frères » ayant juste un morceau bonus, mais on ne leur reprochera pas d’utiliser cette technique couramment utilisée dans le marketing on-line, l’upselling.
Conclusion
PNL sur la Tour Eiffel, qui n’a pas cliqué ? Devenu une marque forte et surprenante, on peut certainement penser que ce groupe est celui dans l’histoire du rap hexagonal qui a exploité au mieux le media internet, peut-être même dans l’histoire de la musique de ce pays.
Certains diront que c’est une secte lucrative, mais ce qui est certain, c’est qu’à mes yeux, elle est non-dangereuse, un modèle à suivre même pour tous ceux qui veulent savoir ce qu’on entend dans l’entrepreneuriat par le terme « disruption ». Et cerise sur le gâteau, le produit final est artistiquement valable.