Classement des 50 Meilleurs Rap US 2011 (15 à 1) [MATER]

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15. Blu – “Ronald Morgan (ft.Edan)” ; 14. Roc Marciano – “Hoard 90″ ; 13. Big K.R.I.T. – ”Dreamin” ; 12. Curren$y – “Scottie Pippen” ft. Freddie Gibbs ; 11. Kanye West + Jay- Z – “Primetime” ; 10. Open Mike Eagle – “Nightmares” ; 9. Curren$y – “She Don’t Wanna Man” ; 8. Shabazz Palaces – “Are You…Can You…Were You..” ; 7. Schoolboy Q – ”Druggys Wit Hoes ft. Ab-Soul” ; 6. Mr. Muthafuckin’ Exquire – “Huzzah (Remix ft Despot, Das Racist, Danny Brown & El-P)“ ; 5. Danny Brown – ”30″ ; 4. Madlib & Freddie Gibbs – ”Thuggin” ; 3. A$AP Rocky – ”Peso” ; 2. Kendrick Lamar – ”ADHD” ; 1. Tyler, the Creator – “Yonkers”…

 

 

15. Blu – “Ronald Morgan (ft.Edan)”

 » Ronald Morgan  » est le meilleur morceau de l’album, témoin magistral du présent et de l’avenir du rappeur. Le beat est confortable mais tranchant, un jazz avec des drums métalliques et des instruments qui crépitent. Cette année, Blu a été prolifique, plus mystérieux et génial que jamais, avec l’album No York, mais aussi l’antique, le non maîtrisé et lo-fi « Jesus », avec une âme boom-bap, et même un EP de remixes d’Ariel Pink. Ici, il casse juste les syllabes, les effritant en symboles. Que ça est du sens ou pas n’est pas la question : Blu est trafiquant de son, pas trafiquant de concept. «  Funk shrunk, filled with bass, cushioned in syntax/Thanks « , illustre la nouvelle direction artistique de Blu : des paroles toujours excellentes, humblement fondues dans un bouillon musical. Fait révélateur, le couplet de l’invité, Edan, est plus claire que celui de Blu. Pas de distorsion, de volume fantôme, donc pour moi c’est le meilleur couplet de l’année. Edan est le vainqueur : pas de gaspillage de mot ou de souffle. Le mic est dégainé comme personne ne peut le faire, parce que personne n’a autant d’imagination :  » Producer, director/Medusa deflector/Stared her right in the eye, and beheaded her/Editor, better than whatever that was regular/Predator plus competitor makes compredator « . Joli strike.

 

14. Roc Marciano – “Hoard 90″

Roc Marciano est une bestiole typique de New York. Il y a comme du maïs soufflé dans ses samples, comme sur les vieux vinyls, et les drums sont durs comme du plomb. Ses jeux de mots et son vocabulaire feraient beaucoup de point au Scrabble : je mettrais ma main au feu qu’il pourrait facilement clasher la moitié des rappeurs de cette liste avec son argot style Raekwon, mais ça doit être parce qu’il vient d’un endroit où tu dois faire mieux que tout le monde pour te faire remarquer. Mais avoir des skillz n’est pas le seul truc faisant un grand artiste. Marciano y parvient grâce à son attention dans le travail de conception. Sur des guitares de film policier des années soixante, posées sur un beat sortie du labo de The Alchimist, le rappeur d’Hempstead déploie des doubles rimes, mettant en avant son esprit «  Hoes ride dick like pogo stick », sa volonté de jouer avec les mots « he jewelry is luxurious, period », avec un instinct poétique que l’on ne pourrait pas acquérir dans une école de la rime. Les scènes de rue sont décrites avec une imagerie tout en mouvement, comme si New Jack City avait été réalisé par Terrence Malick. C’est de l’art moderne.

 

13. Big K.R.I.T. – ”Dreamin”

Il y a un point sur l’album Return of 4Eva Big KRIT insiste sur le fait que tu dois écouter les dernières secondes de chaque piste afin de capter ce qu’il dit. Sachant que c’est un peu exagéré à l’égard de certaines comme  » Sookie Now « , c’est absolument le cas sur les meilleurs moment de « Dreamin’ ». Il n’y a rien de conceptuel sur cette chanson – c’est un come-up. Mais Krit transforme le rap en autobiographie convaincante, qui nous invite à le suivre dans ce voyage initiatique. Le sample de The Brothers of Soul est utilisé comme des chœurs grecs sceptiques, qui ne croient pas en Krit. Mais à chaque phase, on apprend quelque chose d’important sur lui, quelque chose d’essentiel dans son ascension. Bien sûr, Scarface et UGK étaient les premières influences, mais il est tout aussi important d’avoir parlé à son père au sujet de ses artistes préférés. Et oui, il a typiquement écrit des rimes sur son gant de base-ball au collège, mais il est atypique de faire une telle poésie (de nombreux rappeurs, notamment Lil’ Wayne, se gardent bien de le faire ces temps-ci). Le flow engourdi et régulier de Krit est kiffant, même quand il attribue son succès à sa grand-mère faisant des prières au Seigneur. A la fin du morceau, les chœurs grecs admettent qu’ils ont eu tort, comme Krit le souligne « They used to say that he was dreamin’ ». Comme ce sample de The Soul Brothers colle subtilement à la croissante mutation du MC, tu te rends compte que tu dois décortiquer chaque mot pour profiter du morceau autant que faire ce peut.

 

12. Curren$y – “Scottie Pippen” (ft. Freddie Gibbs)

C’est du bon sens… Les jumeaux ont assuré une cohérence dans le rap au cours de ces trois dernières années, et se réunissent enfin sur un morceau, soutenue par un grand producteur qui sait sortir des sentiers battus. Parce que leurs flows sont bien différents, cela ne va pas se transformer en concours de quéquette ; Curren$y et Gibbs s’ambiancent l’un l’autre avec le genre d’aisance dans la fonsdé que Mac et Devin auraient souhaité avoir. Spitta reste dans le modèle du cool laid-back, même quand il menace de te défoncer la tête en mode Cobra Kai, en arborant la tenue parfaite de Chicago, une veste Bulls Mitchell & Ness, en pensant au mythique Scottie Pippen. Puis Gibbs débarque sur le track et nique tout, lâchant les versets les plus remarquables de l’année. Les phases comme « le petit-déjeuner c’était deux nibards, deux blunts et un sandwich de dinde au lard (breakfast had two titties, two blunts and a turkey bacon sandwich) » ou bien « Essaye de faire un million de dollars, fuck un million de téléchargements (Tryna make a million dollars, fuck a million downloads) » ont trotté dans ma tête depuis le jour où c’est sorti. Ces rappeurs ont des caractères tellement bien trempés, que c’est juste une merveille de les entendre sur le même beat, comme un meeting de super-héros. En tout cas ça ferait une bonne BD, et je kifferais grave de les voir enregistrer un album plein de morceaux comme ça.

 

11. Kanye West + Jay- Z – “Primetime”

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Je sais ce que tu va penser. « Pas de ‘Niggas in Paris’ ? Ça craint ! ». Je ne dis pas que  » Niggas in Paris  » n’est pas un putain de morceau. Il établit un équilibre parfait entre rap à l’eau et commentaire social rusé. Je suis prêt à comprendre que c’est diablement plaisant de l’entendre six fois de suite pendant les concerts. Mais sur le fat et épique Watch the Throne, l’ironie est que l’autre morceau qui met en parallèle Jay-Z et Michael Jordan est soit a) un  » bonus track  » soit  b) le meilleur de l’album. Le sample de piano sombre et nocturne dégoté par le mentor de Kanye, No I.D, donne libre cours aux superstars, en laissant tomber le fardeau de leur renommée pour juste faire une putain de performance. Jay y déroule sa carrière, son sens des affaires pour aider la marque de vodka crée par Diddy, ses recherches sur le conquistador espagnol Ponce de León, et sa folie des grandeurs dans les hôtels chics de Miami. Kanye, lui, intériorise plus. Il se rappelle de l’effet procuré par son premier voyage en première classe, et comment les bulles de champagne ont un goût beaucoup plus doux que l’eau du robinet de la garde à vue. Il crache ce genre de rime à la con : « Flotter dans ce fils de pute comme un aéroglisseur ! (And float in that motherfucker like a hovercraft !) ». Il baise les stéréotypes de la haute société : « They don’t want nobody that’s colored out of the line/So I’m late as a motherfucker, colored people time », en affichant l’esprit conscient et irrévérencieux qui rendait Graduation si grand.  » Primetime « , c’est deux rappeurs qui reviennent comme à l’époque où ils n’avaient pas encore infiltré le monde du rap business. En fait, c’est comme si c’était la chance de leur vie. C’est réussi car il n’y a pas la pression de réussir : un énorme résultat, pourtant réalisé à partir d’un petit enjeu.

 

10. Open Mike Eagle – “Nightmares”

Quelque part entre Devin the Dude, Nate Dogg et Ish de Shabazz Palaces, Open Mike Eagle observe avec ironie la classe depuis le fond. L’inverse d’un bon million de rap sur les rêves (y compris la numéro 13 de ce classement).  » Nightmares  » n’est pas qu’ambitieux, c’est un concept. Une astucieuse litanie de plaintes, de demandes et de réflexions. Mike veut swinguer avec 4 vieux choristes. Il ne remet pas une énième couche de rap-mensonge, mais rappelle que la vie est synthétique, comme sortie de l’imagination d’un écrivain, et conçue pour nous duper. Ses potes parlent de baskets, de swagg, de club ; mais Mike est occupé à jouer le Nostradamus du hip-hop : la campagne va être inondée de touristes partant à la découverte des authentiques familles, pendant que les gangsters basculeront vers les samplers MPC. Le rap doit être postmoderne, et Mike est le seul à esquisser du They Might Be Giants [le groupe qui a par exemple signé le générique de la série Malcolm NDLR] au lieu de Coldplay. Comparaison étrange sur le papier mais logique : Mike partage la même gravité et la même absurdité. C’est un crooner qui pose sur des harmonies doo-wop, pour respecter sa lignée. Ce emcee innovant conserve donc un brin de révolte et espérons qu’il continue de ne pas se prendre trop au sérieux.

 

9. Curren$y – “She Don’t Wanna Man”

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 » She Don’t Wanna Man « , c’est Vicky Christina Barcelona [film de Woody Allen NDLR], scénarisé par Spitta Andretti (un autre pseudo de Curren$y). La drague ne se fait pas à base de guitare flamenco dans l’Espagne profonde, mais dans les jeux de lumières rougeoyants des appels manqués et des textos. Chambre d’hôtel avec pay per view, room service, des joints qui parfument l’air et du sexe à foison. Une bande-son phosphorescente comme sortie d’Atliens. C’est l’histoire du square et du voyageur. Curren$y est un médecin, un  » cuddlemaster « . Drake sait comment manipuler les femmes, mais Curren$y comprend ce qui les fait craquer. Tu peux flatter une meuf en lui disant qu’elle a l’air vraiment belle en survêt’, mais tu peux aussi être cool et créatif. Antonio devient alors Andretti : charmant et malicieux, en mode Slick Rick le motherfucker. Pas un pot de colle comme les autres gars. Son homme veut lui faire élever des marmots sans trop taper dans le carnet de chèques. Curren$y offre ce qu’elle aurait pu avoir si elle n’avait pas pris ce triste chemin. Ce morceau est l’hymne de la liberté contre la monotonie de la stabilité. Une soif irrépressible qui contraste avec le calme de l’amour toujours. C’est la grande erreur, le cauchemar de beaucoup d’hommes : un jour la mère de tes enfants va s’ennuyer et ne plus vouloir que voyager en jets. Au lieu de faire du shopping, elle sera à poil dans un pieux avec un autre bonhomme. Puis elle rentrera à la maison sans jamais que tu ne saches ce qu’elle a fait.

8. Shabazz Palaces – “Are You…Can You…Were You..”

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#1 : L’espoir. Ta poche est pleine de tune. T’a des nouvelles baskets. Tu bois un café brésilien. Tu respires le grand air. Tu fais des cercles de fumée pendant Telefoot. Tu te reposes. Tu portes ton nouveau gilet au dessus d’un gros col de chemise aux couleurs saumons. #2 : Tu agis au-lieu de parler. Tu restes concentré tout le temps. Tu n’a pas le temps pour les petits détails. Tu faits mine de sagesse, tout en gardant le swagg. Tu vénères les OG. #3 : Tu commences à te méfier de la bouffe épicée et des conseils de pimp. Tu essaie de dominer ta peur. Tu ralentis, t’accélères. Les trafiquants d’armes déjouent le système… T’aurais presque du Street Karma. Tu péchos même un big diamant si t’es moulu. Ouais ouais ouais, tu ferais bien de réparer tes boulettes si t’es si balaise. Tu vas t’en sortir au moins ?

 

7. Schoolboy Q – ”Druggys Wit Hoes (ft. Ab-Soul)”

Schoolboy Q a les pires chiennes, la meilleure weed, et le cantique du bédo pour l’année 2011. Ce n’est pas par hasard que les chœurs crient en boucle, «  Marijuana hydro, pussy, hoe, ass, titties « . Une orgie honteuse, du bounce, des beeps, des mélodies : des riffs de guitare langoureux, du piano legato, des high hats paranoïaques et des punchlines espagnoles – en gros, tout sauf du conscient. Q est bourré de talent en étant complètement foncedé, avec un flow paisible, un message simple, et des lyrics excellents, entre torsion du cul et assonance. « I been meaning/to be leaning up in that pussy like promethazine/and she took the semen/my willy beamin », dit-il, cool et mesuré, comme s’il pouvait sortir des rimes absurdes et stones pendant des heures. C’est ce manque d’effort, son aberration poétique presque dépourvue d’énergie qui rend Schoolboy attachant et sûr d’être dans toutes les wagos en 2012. Quand à l’homme à la touffe, Ab-Soul, il vient avec plus d’agressivité, d’exaspération, de stress, d’indulgence quand il parle de ses démons personnels, mais surtout juste là pour demander : « Quincey, où est la weed ? Tu sais que j’en ai vraiment besoin (Quincey where the weed at? You know I really need that) ». Dans l’ombre de Kendrick Lamar, ces deux blacks hippies se contentent simplement de se détendre… comme personne ne l’avait fait en 2011.

6. Mr. Muthafuckin’ Exquire – “Huzzah (Remix ft Despot, Das Racist, Danny Brown & El-P)“

Le clip est aussi irrationnel qu’excellent. Mais le morceau répond à toutes les exigences d’une réunion en bande. Effectivement, les rappeurs sont hardcores comme une descente aux enfers (sauf pour les Das Racist, qui sont dans le registre comique) et ils sont eux-mêmes – des rappeurs avec beaucoup de charisme, niquent tout en prenant leur pied, tous ensemble dans le même trip. Despot ajoute une mix drink sur ses céréales. Danny Brown salue Exquire comme si c’était un vieux pote, et déclenche son haut parleur nasale bien adapté au beat de NecroEl-P maintient le niveau d’une précision chirurgicale jusqu’à la fin de son couplet. Et en fin pauvre Exquire, il a faim, il est tout perdu, il est écœurant, mais il assure… Les habitudes du jardin d’enfants sont présentes dans le morceau. La plus importante est qu’il faut se marrer le plus possible avec tout son posse réuni.

 

5. Danny Brown – ”30″

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« La trentaine, c’est l’autre vingtaine » se disent les « vieux » pour se réconforter. Avoir 30 ans, c’est terrifiant. Ton métabolisme ralentit, tes cheveux commencent à tomber, et tu réalises à quel point tu es loin d’avoir accompli ce que tu voulais. Danny Brown passe beaucoup de temps sur XXX à rapper à propos de cette sensation de murailles qui se referment autour de toi à cette période délicate. En plus c’est la chanson qui clôture l’album. Elle sonne comme la voie intérieure d’un maniaco-dépressif. Des souvenirs de jeux vidéo dans une maison où le four servait de chauffage, le fantasme de périr dans les bras d’une blonde anonyme de 20 ans aux yeux bleus ou d’avoir des relations avec une femme enceinte pour éviter d’avoir à payer l’avortement… Ce sont des thèmes universels donnés devant le miroir pour se dynamiser. Il fête la joie d’être encore vivant en reconnaissant qu’il est parti de rien… Mais avec des larmes dans les yeux causées par le stress de ne pas avoir atteint ses objectifs. Quand tu grandi en étant ambitieux mais pauvre, la réussite est une destination encore plus importante pour toi, c’est presque une question de vie ou de mort. Et finalement l’idée de mourir est beaucoup plus séduisante que de penser que ta vie est un échec total. «  30  » est ce qui se passe lorsque la peur sinueuse de l’échec atteint son paroxysme et tourne à l’obsession.

 

4. Madlib & Freddie Gibbs – ”Thuggin”

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Gangsta Gibbs rencontre The Beat Konducta. Le Lance-Pierre rencontre le Méga Pimp avec les poches remplies de caillasse. Depuis l’époque de Dare Iz a Dark Side, le rap hardcore fut rarement aussi psychédélique. Il faut pas en déduire non plus que bien rapper perd de son importance. Ça n’est pas (encore) de la  » swag music « . Et Gibbs rappe presque mieux que tout le monde. Le forfait complet comme Lex Luger : contrôle de respiration, voix, lyrics, flow, conviction.  » Thuggin  » claque comme un coup de barre de fer sur la colonne vertébrale. Gibbs revient à l’époque où les rappeurs étaient des musiciens virevoltants, pas des marques – quand les gens n’avaient pas peur de qualifier leurs pairs de stupide ou de tricheur. L’intégrité et l’honnêteté sont primordiales pour lui et tu peux voir ses cicatrices dans toutes les mesures. Il met toute une vie en trois lignes  » la dernière salope de mon oncle l’a mis sur une bite en verre / essayant de voler un homme pour nourrir son train de vie / il s’est fait défoncé (My uncle’s last bitch put him on the glass dick/tried to rob a man to feed his habit/he got blasted) « . Le tatouage Huey Newton [co-fondateur du Black Panther Party NDLR] sur son dos est l’équivalent du logo de Public Enemy. Ce gars ne te laissera pas indifférent. Dans une même phase, il pourra se vanter de la façon dont il va baiser ta fille, son cousin, puis acheter de la nourriture avec ta carte bleue. Dans celle d’après, il va se plaindre de la police qui tourmente les deals de dope lorsque des membres du Congrès d’Arizona pètent un plomb. De la musique trunk au boom-bap, au dubstep, au West Coast enfumé, Gibbs a foulé beaucoup de pelouse en 2011. Et comme ses plus claires inspis sont 2Pac, Scarface, et Ice Cube, il ne faillit pas à sa réputation de rappeur conscient qui frappe ton inconscient.

 

3. A$AP Rocky – ”Peso”

Ce clip est le récit d’un week-end à traîner d’une équipe de kids tressés et habillés avec des styles éclectiques. Bien sûr, ils jouent aux dés, tisent des 40s en fumants des blunts de toutes tailles et de toutes sortes : rien de bien nouveau dans le hip-hop. Mais  » Peso « , c’est plus qu’une teuf : c’est un mode de vie. Ces jeunes qui s’exposent comme dans une photographie d’Arbus, avec leurs kiffes dans leurs environnements, c’est une vision d’un nouveau swagg, un nouvel Harlem. Pour moi, c’est ce qui différencie  » Peso  » des deux chansons figurant devant sur la liste. A$AP, Tyler, et Kendrick, tous ont fait sauter la banque en 2011 avec des crews talentueux. A$AP et Tyler ont déclenché des guerres sur le net, car  » Yonkers  » et  » Peso  » sont des démonstrations de style qui fouttent un coup de pied dans la fourmilière. Tyler déploie avec une voix caverneuse un sinistre banger, qui reprend à son compte toute la mythologie New New-yorkaise. Pendant que Rocky tisse des rimes soyeuses sur une instrus de Ty Beats qui fait penser à un bon beignet glacé. Mais pour moi,  » Yonkers  » est plus définitif : une pathologie de voyou rebel, qui trouve la parfaite expression de la colère.  » Peso  » serait plus comme l’artiste immature possédant une compréhension précoce. Vie. Amour. Style. A$AP n’a pas besoin de plaisanter sur des fantasmes de viol pour être vénéneux, il est plus préoccupé par le fait d’être inventif et sans aucune limite. Un Hip-hop qui casse les règles et qui mets les compteurs à zéro.

 

2. Kendrick Lamar – ”ADHD”

« A.D.H.D. » l’emporte sur tous les autres grands morceaux de Section 80 [album dont le nom fait référence aux personnes nées dans les années 80, victimes de l’épidémie du crack NDLR], car il regroupe tous les nombreux atouts de Kendrick Lamar. Un hymne intelligent et représentatif de sa génération sacrifiée par la dope, mais aussi une incroyable technique de flow. Mais il y a plus encore : ce son évolue à chaque fois que tu l’écoutes. Le rythme est envoûtant et stone, contrastant parfaitement avec l’éclat de Kendrick. Alors qu’il lutte pour rejeter l’hédonisme apathique de ses congénères, « Eight doobies to the face, fuck that, twelve bottles in the case…fuck that », il se voit disparaître dans la brume nocturne comme un moyen de combattre sa solitude ressentie quand il est au milieu de la foule. Mais juste après, une jeune fille commence à faire attention à lui, étant en mesure de le sortir de là. Bref. C’est le début du deuxième couplet, et ils remarquent qu’ils sont tous les deux nés pendant l’ère Reagan [président des USA de 1981 à 89 NDLR], ce qui est le fil conducteur de l’album : une génération qui souffre de nombreuses carences, qui se manifestent le plus par un manque de concentration, ne s’intéressant à rien d’un moment à l’autre, plongé dans une inutile hyperactivité. C’est logique et bien vu. Mais ce qui fait que ça fonctionne vraiment est que Kendrick parle pour sa génération et pour lui-même également. Il veut faire attention, mais chaque fois que son débit s’accélère, il se fait aspirer pour retourner dans la teuf, incapable de se concentrer sur quelque chose. C’est l’effet de l’Attention Deficit Hyperactivity Disorder (Trouble du Déficit de l’Attention avec Hyperactivité)…

 

1. Tyler, the Creator – “Yonkers”

Le gars fut assez malin pour faire d’un simple Tumblr un vrai média grâce à des mixtapes d’anthologie, a fait le buzz sur YouTube comme aucun rappeur auparavant, et a signé un contrat d’enregistrement avec XL. Malgré tout cela il est détesté… mais aussi adulé… A la seconde où Yonkers est arrivé en tant que réincarnation des Liquid Swords et autres simagrées pissées par le rap New New-yorkais pendant les années 90, tu a compris que ce gars là était une foutue vedette. En parallèle de pellos comme J. Coles ou Kid Cudi, Tyler a proprement effacé l’ardoise du hip-hop et d’un coup tu t’es rappelé que «  Le rap ne DOIT PAS être nul à chier « . Ensuite, tout le monde parlait de cette bande de gamins skaters avec controverse, en écrasant leur son sous une montagne de préjugés conservateurs. Ces débats n’étaient pas de la faute de Tyler car au moment où Gobelin est sorti, leur buzz était déjà bien parti. J’aime cet album, même s’il n’est pas totalement défendable – 80 minutes d’anxiété d’adolescent un petit peu dures à digérer… Mais Yonkers est différent. C’est un 8 Mile sans la ringarde motivation hip-hop : le jour où une star est née en une fraction de seconde à l’échelle du web, en attirant l’attention de tous le monde, même ceux qui s’en battent les couilles du rap. Soyons franc : personne ne pensait que çà se reproduirait, mais pourtant il l’a fait. Et c’est pour cette raison que  » Yonkers  » est le rap de l’année 2011 aux US, même si c’est un truc pour lequel il mériterait de se faire botter le cul un jour où l’autre…

 

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