G-Zon – Chronique de Musique Nuisible [ÉCOUTER]

G-Zon_Allo_Rap

Si on imagine qu’il existe un code du vrai Hip-hop, et bien avec son album solo « Musique nuisible », G-Zon du groupe parisien La Meute l’a respecté à la lettre. C’est pour cela que j’ai décidé de revenir sur ce projet certes sorti depuis quelques mois déjà, mais qui représente à lui seul l’histoire du Rap, avec ses héros qui transforment le bitume en or au prix d’un activisme nécessitant de faire un choix de vie. Le travail paie toujours même en temps de crise…

Comptant avec le trop peu de soutien de l’industrie musicale (voir l’interview ci-dessous) et par contre avec une ribambelle d’amis – Dany Dan et quelques autres légendes vivantes, rien que ça – G-Zon, une bête d’an-ien-ce pour ainsi dire, déjà connu et reconnu au travers de son groupe, franchit un cap important de sa carrière avec ce premier essai en solo. Mais tout d’abord tirons au clair cette histoire difficile que fut le financement de son projet : ce n’est qu’un détail pardi, au point que l’étude de cet ouvrage abouti devrait être au programme de toute formation d’ingénieur du son ou d’école de la rime qui se respecte. Beats classiques tar DJ Premier, technique de diction ultra précise, le tout ravivant la flamme Old School B Boy Adidas… 

 

 

La réussite de ce Musique Nuisible tient également dans ses paroles sobres et tirées au cordeau, ainsi que dans ses refrains travaillés à l’ancienne ; c’est du serious work cher lecteur, ce n’est pas du copié-collé que tu oubliera de si tôt. Il faut un vrai taf d’acharné avec des gants de velours, des heures et des heures d’écriture au scalpel, pour arriver à ce genre de résultat : tu va kiffer et mettre de côté tes soucis. En plus, la sincérité et la discrétion du emcee lui évite la frime. C’est un gars du terre-terre qui n’a que les cordes vocales qui enflent et pas les chevilles, avec qui tu passerais bien une soirée autour d’un pack de bière en écoutant quelques bon vieux vinyles estampillés Queensbridge…

 

De quoi ça parle alors un album de vrai Hip-hop en 2011 ? De Paix entre les communautés de tous les horizons, à l’image des différentes origines éthniques de La Meute, avec comme leitmotiv la revendication sociale que tous les citoyens soient traîtés de la même manière, et avec bonne manière. Des concepts et des mots simples pour directement pousser le débat là où ça fait mal ou encore attaquer ceux qui le méritent. Alors la popo en prend pour son matricule sur la piste 9, au plein cœur d’une description implacable des nombreux problèmes qu’un jeune du béton doit surmonter. La cité est une jungle peu attrayante, mais G-Zon montre la solution : il faut se surpasser. L’artiste se fend d’un petit trésor de dynamisme engendré par la rue, donnant l’exemple à la génération actuelle, complètement désabusée il faut bien le dire par le manque de solutions offertes par Paul Emploi. Cette situation catastrophique déclenche un climat sombre à certains moments, mais il faut toujours de l’orage pour attirer le soleil sur «  Esprit Hip-hop exigé ».

 

Une retenue réaliste, une certaine maturité domine donc l’album d’un bout à l’autre. Aucune exagération, pas d’artifices falches comme de l’agressivité ou des images à connotation érotique, mais une simplicité roots et efficace : il a tout capté le bougre, administrant même des blagues ici et là pour détendre l’atmosphère, comme des boulettes dans un gros niax. On peut donc ranger ce skeud bien en vue sur l’étagère près des Scred Connex’ (d’ailleurs Koma est invité sur un des meilleurs morceaux) ou à quelques encablures des NTM. Oui m’sieur, car finalement ce qui compte, c’est pas les chiffres d’albums vendus ou le nombre de condamnations… Moi perso, je recherche le même son paranormal qui a perforé mes oreilles tant de fois durant les ninety’s dans mon baladeur à cassette Thomson, bref, le seul son qui soit bénéfique pour notre petite vie quotidienne tourmentée par les retards du RER…

 

Revenons sur les moult galères habilement réservées à La Meute (K-Lvin & Ronsha en plus de G-Zon, rappeurs à la technique irréprochable) par des labels à la mords moi le nœud, qui ne voient pas plus loin que le bout de leur porte-monnaie. La frustration née de cette incompréhension est sans doute mesurable dans la puissance de la vibe communiquée, avec l’apport de pointures légendaires comme Aketo, qui apportent crédibilité, et en quelque sorte une reconnaissance bien mérité. C’est que du bon et ça me rappelle mes débuts d’aficionados du rap conscient – et rien que pour cela je suis reconnaissant – une connivence entre les artistes et l’auditeur est enfin remis au goût du jour. L’album envoie un message easy qui passe comme une lettre à la Poste, le charisme est attachant, et les interprètes nous transportent dans la cabine d’enregistrement avec eux… Au fait on démarre par une piste d’intro généreuse en scratch signé DJ Kefran, qui décolle les toiles d’araignées de nos tympans. Quand le CD se termine, on est rassasié…

Mais attention, ça le ferait pas sans un peu de danger ! La colère est présente sur une grande partie des morceaux, justifiée soit par la défense de son univers musical contre la médisance des média, d’où le titre de l’album ; soit par la difficulté de s’en sortir, mais à aucun moment il ne pleurniche sur son sort, et le tout est parfumé par la nostalgie du bon rap des familles, noble et anti-commercial. Cela confère la nette impression que celui-ci n’est pas encore MORT et serait digne de revenir à la mode pour de bon, contrairement au clin d’œil de la chanson « 1990 » d’Orelsan [un titre ironique sorti récemment dans l’héxagone NDLR]. Ce Retour vers le futur du bon rap démonte implicitement la mode décadente du tout swagg, en même temps que les provoc’ gratis gansta, en développant des concepts positifs, qui encouragent à se procurer un micro et une platine au lieu d’un calibre avec des grenades, pour balancer nous aussi ce qu’on a sur la patate.

 

 

En attendant, c’est la teuf avec ce pack de styles diverses et variés, avec de l’égotrip à dose homéopathique, genre Tepa qui me donne des frissons comme d’hab et même un toaster aux éfluves Guyano-Camerounaise, Drew Lipson, est présent sur le titre éponyme de l’album. Un vent de folie souffle sur cet élan néoclassique, oxygénant le rap avec de l’hélium. Mais il ne fantasme pas la rue : il nous la fait (re)vivre et (re)sentir sans l’idéaliser ou la noircir. Aussi, pas de Jack Mess’ au goût de « Coca-Cola sans bulles », qui te ferais croire tout feu tout flamme que le bonheur passe par un fessier de bimbo dans un bolide impossible à acquérir par un taff légal. Non mon ami, ici, il est juste question de réalité quotidienne que tout intérimaire connaît. Des anecdotes racontées par un guerrier amoureux de son art qui l’aide à ne pas sombrer dans la délinquance. Je ressens donc deux choses : franchise et amour, qualités obligatoires pour purifier ma pauvre âme de pêcheur. C’est vrai qu’on doit sortir grandi, lavé, étourdi, secoué, au delà de l’habileté verbale : le bonhomme posé derrière le mic’ doit transmettre des valeurs, c’est avant tout ça la Vraie Attitude. La mission est remplie : j’ai l’humeur amplifiée par l’enthousiasme de cette galette : «  Le Quartier D’où Je Viens » est vivement conseillé avant de fouler la pelouse ou plutôt le tatami… Dans ma mémoire je suis forcé de remonter vers Conçu pour durer de La Cliqua, pour le côté hip-hop de rue anti-pousse-au-crime, avec un arrière goût acidulé de Shurik’n pour la critique sociale délivrée sur la piste « Dans ce monde de tarés ».

 

 

Conclusion, aujourd’hui Paris 13e est là pour nous offrir des vibes high level sans concession, malgré que ça ne leur ramène pas des millions de centimes. Ils méritent de ce fait un tonnerre d’applaudissement à tout rompre, avec une hola du Stade de France, vu le travail livré depuis le milieu des années 90, tirant tout le milieu de l’underground vers la reconnaissance. Chapeau bas Messieurs. G-Zon doit perpétrer ce combat, car on a désespérément besoin de portes-paroles comme lui de l’authenticité underground. Je souhaite d’ailleurs que ces abrutis de directeur de label qui ont refusé de le distribuer regrettent finalement leur grosse bourde, sanctionnable par le code de la route d’AlloRap. Bref ce projet rafraîchissant est bien la preuve qu’il est inutile pour atteindre le nirvana d’innover à tout prix en suivant comme un mouton les sirènes auto-tunesques : il suffit de METTRE DU COEUR A L’OUVRAGE et de respecter les bases posées par des bonhommes comme Chuck D, il y a maintenant plus de 30 ans aux USA, pour exaucer ce souhait qui n’appartiendra jamais au monde des apparences pyrotechniques ou autres effets riddims superflus. Une bonne basse sera toujours une bonne basse, c’est universel et ça n’a pas de prix. Merci est le seul mot à prononcer devant un boulot Intouchable, accouché douloureusement ! Ne cherches pas ailleurs The artist :

 

 

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1 réflexion au sujet de « G-Zon – Chronique de Musique Nuisible [ÉCOUTER] »

  1. GROS GROS BIG UP A L’EQUIPE DE ALLORAP.COM ET SURTOUT A BRUNO POUR CETTE CHRONIQUE QUI VIENT DU COEUR !!! ONE LOVE !
    G-ZON

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