Interview de Bun B au sujet du racisme durant sa carrière aux USA

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Depuis que Bun B est arrivé dans le game il y a deux décennies [depuis 1988 NDLR] avec Pimp C au sein d’UGK (Underground Kingz), il n’a cessé de grimper en popularité nationale et même internationale, avec des fans de toutes les origines, sans doute aidé par une apparition sur le hit aérien de Jay-Z,  » Big Pimpin’ « , et en collaborant avec les gars du South formant le fameux groupe Three 6 Mafia, sur le thème “ Sippin’ On Some Sizzurp ”. Mais sa folle envie de rester pertinent, avec une intégrité artistique sans faille, lui donna l’ouverture d’esprit nécessaire pour collaborer avec des lascars de la nouvelle école. À un âge où nombreux sont les rappeurs sur le déclin, ce MC de 38 ans s’est installé confortablement dans son rôle d’OG, en prenant même la responsabilité d’enseigner le hip-hop et la religion à l’Université de Rice. Dans cette interview, Bun B nous parle de ses racines téxanes, de son parcours, pourquoi UGK ne parle pas du Sizzurp en interviews, et s’attaque à un problème qui plane sur un hip-hop se standarisant, à savoir l’utilisation du mot « N »

 

 

Commençons par parler de l’endroit où tu a grandi, à Port Arthur [57 755 habitants NDLR], au Texas, qui est la ville natale de Janis Joplin [rockeuse rebelle, surnommée la « Mama cosmique », morte d’une surdose d’héroïne en 1970 à Los Angeles NDLR]

Quel était le type de brassage ethnique de ton quartier et quel lycée a tu fréquenté ?

Mon quartier était assez black. Mon voisin était blanc, mais tout mon bloc était black. Je suis allé à deux lycées. Lincoln High School, qui était environ 95% noir, mais il avait un programme scolaire « magnet » [type d’établissement situé en dehors de la zone scolaire habituelle, mais offrant généralement des cours spéciaux NDLR] donc j’y suis allé avant d’incorporer celui de ma zone, Jefferson High School. La situation démographique a radicalement changé là-bas. Cette école comporte 40% de blanc, 35% de noir, peut-être 15% d’hispanique, et une très grande population vietnamienne à l’image de celle de la ville.

 

Ça se passait bien avec les autres communautés ?

Ah oui, absolument. J’ai eu beaucoup d’amis d’horizons diverses, surtout dans les programmes « magnet » et les activités para-scolaires, et aussi parce que l’école de ma zone était un melting-pot. Ma ville a un brassage équitable d’ethnies. La ville qui touche la mienne est appelée Bridge City, car il y’a un pont qui les sépare. Dans celle d’à côté, il n’y avait aucune minorité. C’est une ville blanche. Et ma ville est à environ 20 miles de Jasper, où ils ont tué James Byrd [meurtre raciste en 1998 d’un handicapé afro-Américain par trois blancs, qui s’est vu proposer d’être déposé en voiture, mais au lieu de cela traîné derrière un pick-up le long d’une route d’asphalte sur plus de trois kilomètres alors que le véhicule roulait volontairement en zig-zag NDLR ], et à 20 miles dans l’autre sens, c’est Vidor, Texas, tristement célèbre pour être une autre ville entièrement blanche.

 

Est-ce que tu avais le droit de te rendre à Bridge City ?

Il fallait y passer pour se rendre en Louisiane, mais il a toujours été convenu que vous ne deviez pas vous y arrêter sauf pour acheter de l’essence. Bridge City a toujours eu de bons prix sur l’essence. Mais ne pas s’y arrêter pour autre chose, et surtout pas la nuit.

 

Existait-il des légendes urbaines te faisant rester à l’écart ?

Pas tellement sur Bridge City, mais Vidor était la plaque tournante régionale du Ku Klux Klan. Bridge City est une ville blanche qui n’a pas vraiment fait parler d’elle, mais Vidor a été ferme au sujet de l’interdiction totale de minorité. Vous ne vous arrêtez même pas pour l’essence dans Vidor. Si vous devez pisser, vous vous retenez. A Vidor, aux match de football dans les années 60 et 70, et même dans les années 80, au lieu de panneaux tels que « Beat The Bears » ou « Go Lions », c’était plutôt « Go Home Nigger ». Les familles y allaient, mais tout le monde devaient sortir et rentrer à la maison ensemble pour une question de sécurité.

 

Vous souvenez-vous des cas précis où vous étiez verbalement ou physiquement agressé à cause de votre couleur ?

Non, il n’y a jamais eu quoi que ce soit de ce genre là. Différentes situations avaient un parfum de racisme, mais je n’ai jamais vraiment eu de problème durant mon enfance. Comme nous sommes devenus plus âgés, à dix-huit, dix-neuf ans et étant artiste assez jeune, il était très difficile d’obtenir une réservation dans un hôtel du Sud à cette époque. Un grand nombre de fois où nous devions conduire cinq ou six heures à Mobile, Alabama ou Jackson, au Mississippi, et même si on obtenait une chambre d’hôtel, on ne se sentait jamais les bienvenus. Un grand nombre de fois, nous faisions le show, puis on revenait vite fait à la maison par l’autoroute.

Et sur l’autoroute, du début au milieu des années 90, lorsque le trafic de drogue s’est intensifié sur route inter-état n°10, ils stoppaient tout les jeunes hommes noirs. Sur la route pour un spectacle, ils nous arrêtaient, passaient toutes nos valises au peigne fin, tous les équipements, les boîtes de DJ, immobilisé sur le côté de la route pendant deux heures, avec les chiens et tout.

 

Comment Jive Records vous ont signé ?

Nous étions jeunes et ce n’était pas facile de traiter avec nous mais je ne pense pas que notre origine importait. Je pense que notre âge y était pour beaucoup, plus que par le fait que nous étions noir et du Sud. Ce n’était pas leur manque de foi en notre capacité de faire de la bonne musique. Ils nous ont signé parce que c’était possible de le faire. Le problème c’est qu’ils ne savaient pas comment le vendre pour tout le monde.

Dans ce label je n’ai jamais eu de problèmes raciaux avec une personne quelque-soit son origine. Le seul souci à ce propos concernait ma volonté de m’appeler  » Jive’s Favorite Schvartze « , qui est un terme péjoratif pour les personnes noires employé par la communauté juive. Et ils étaient fermement opposé à l’utilisation de ce mot. Ils ne voulaient pas me laisser l’utiliser. Mais j’ai trouvé bizarre de pouvoir balancer  » nigger «  autant de fois que je le voulais. J’ai fait un patacaisse à ce sujet. Et je savais que ça allait devenir un problème.

Pourquoi pensez-vous qu’ils ne voulaient pas de ce terme ? Parce que vous retourniez leur terminologie négative contre ​​eux ?

Je pense que oui. Le président de la compagnie était juif, et je pense qu’ils ne voulaient pas qu’on touche à cette corde sensible à l’époque. Et ce fut dans les années 90 [avec le groupe d’Ice-T, Body Count et sa chanson controversée,  » Cop Killer « ] , l’époque où ils mettaient un sticker  » Parental Advisory «  sur les albums, et on n’avait jamais encore suivi cette tendance. Alors, ils essayaient juste d’éviter toute controverse.

 

Etait-ce votre volonté d’être controversé ?

J’étais curieux. Je voulais voir s’ils me laisseraient utiliser cette terminologie puisqu’ils me laissaient utiliser « nigger » n’importe quand. Je l’ai fait juste pour prendre la température. Je vais être honnête : je pensais « Je vous parie que ces personnes de race blanche ne me laisseraient pas dire cela « . Et ils ne l’ont pas fait.

 

Faisons quelque pas en avant dans votre carrière jusqu’à votre collaboration avec Jay-Z sur « Big Pimpin’ ». Avez-vous remarqué des changements démographiques chez vos fan après sa sortie ? Avez-vous obtenu plus de reconnaissance dans les rues ?

Oui, mais ce n’était pas une chose imputable à notre couleur. Je pense que c’était juste parce que c’était un bon clip. UGK n’avait jamais fait de clip.  » Big Pimpin’  » était la première occasion pour quiconque de nous voir. Beaucoup de gens connaissaient notre musique, mais n’avait jamais vu nos visages. « Ridin’ Dirty » était disque d’or, mais nous n’avions pas sorti de vidéo pour cet album. Ils ont même tourné une pub sans nous.

 

Sérieux, vous n’étiez même pas dedans ?

Niet. On a même pas été prévenu. C’est en regardant Rap City qu’on l’a vu pour la première fois.

 

C’était quoi ?

Il y avait une limousine qui s’approche d’une nana au milieu de nulle part dans le désert, puis la fenêtre s’ouvre avec les mains de quelques Pimp qui en sortent avec notre album sur un plateau, elle le prend, puis la limousine brûle.

Etiez-vous énervé ?

C’est le moins qu’on puisse dire.

 

Qu’en est-il de la foule présente à vos concert après  » Big Pimpin’ « . Y avait-il un nouvel afflux de fan en dehors de votre audience majoritairement black ?

Je ne peux pas dire cela mais j’aurais bien voulu, nous avons juste obtenu plus de show dans des clubs black, dans les villes que nous n’avions pas encore visité à travers le pays. Le public était plus nombreux, mais il n’était pas plus différent au niveau raciale.

 

Qu’en est-il sur les campus universitaires ? Cette chanson fut bien accueilli par les étudiants blancs.

Ouais, mais nous n’avons pas rappé sur les campus universitaires blanc. Nous avons fondamentalement juste été dans plus de villes, et même des grandes villes comme Detroit, Milwaukee, Chicago ou Seattle. La chanson nous a ouvert ces marchés. Mais rappelez-vous qu’ils n’ont même pas voulu mettre UGK sur la version radio de  » Big Pimpin’ « . Ils n’ont pas joué nos couplets sur la majorité des stations pop à travers le pays, donc nous n’avons jamais eu de débouchées pour ce genre de trucs. Et ce n’était pas notre chanson.

 

Quand avez-vous remarqué un changement suite à ce premier coup de projecteur ?

J’ai vu plus de fans blancs graviter autour de nous après notre chanson avec Three 6 Mafia  » Sippin’ On Some Sizzurp « . Je pense que ce fut un moment important de crossover pour nous et eux. Ce fut le début d’une orientation vers un public plus large. Nous n’avions pas vraiment envie de l’accepter auparavant.

 

Pourquoi pensez-vous que cette chanson avait un tel pouvoir de crossover ?

C’est une chanson jammin ‘, et ça aide en général. La chanson était originale, le clip aussi, et c’était quelque chose d’absolument nouveau le ‘ Sizzurp ‘ [boisson à base de sirop contenant de la prométhazine (effet de somnolence), et de la codéine (effet euphorique) NDLR]. Ce n’était pas un produit que les gens connaissaient.

Nous n’en avons jamais parlé, parce que nous ne faisions pas la promotion de la boisson en question lorsque nous avons fait la chanson. Ainsi, lorsqu’on nous questionnait dans les entretiens ou autre, nous répondions juste  » sans commentaire  » ou quelque chose du genre. Je n’aurais pas su dire aux gens ce que c’était. Ce n’était pas quelque chose que l’on voulait promouvoir comme « Hey, on consomme du ‘ Sizzurp ‘ et vous devriez aussi, c’est top », parce que c’est la première chose que les gens supposent. C’était un peu comme quand Dr. Dre a sortit « The Chronic », et que les gens voulaient savoir « c’est quoi cette Chronic ? » Nous étions finalement déjà en train de le faire, donc la chanson était vraiment pour les gens comme nous qui kiffaient ce produit, mais il est devenu un véritable phénomène.

 

Avez-vous déjà dans votre carrière écrit des chansons avec un public plus large à l’esprit ?

Non, UGK n’a jamais fait de la musique comme ça. Nous voulions faire une musique qui permettrait seulement d’élargir l’esprit de nos auditeurs. Nous voulions juste renforcer les liens avec le public qui nous soutenait, car nous savions quel genre de gens écoutaient, et nous savions ce qu’ils allaient kiffer. Et nous ne voulions pas les emmener à un certain niveau puis les oublier, parce que c’est pour eux que nous faisons de la musique. C’est pour le peuple négligé par la majorité. Nous avons estimé que la plupart de nos fans seraient déçus personnellement si nous avions pris des directions différentes. C’est pourquoi Pimp C, l’autre membre de UGK, n’avait pas tellement envie de faire Big Pimpin’.

Parce qu’il savait que Jay-Z était énorme et qu’il ne voulait pas que votre musique soit mal comprise par les masses ?

Oui, c’est ce qu’il craignait. Et c’est ce à quoi le label nous destinait. Ils voulaient qu’on enregistre une autre piste avec Timbaland avec Jay-Z sur un couplet, et avoir Hype Williams pour une vidéo.

 

Étiez-vous du genre à résister ?

Pour moi, ce n’était même pas un équilibre à trouver. Ce n’était même pas un problème. On pensait avoir contribué à la meilleure chanson de l’année, et c’est encore une des plus grandes chansons de ma carrière et celle de Jay. Et c’est un moment où le hip-hop était considéré comme une tendance qui allait cartonner [avril 2000 NDLR]. C’était le premier clip de rap à un million de dollars de budget.

 

Qu’est-ce qui a finalement changé votre public?

Je pense que c’est Internet. Il y avait des gens partout dans le monde qui étaient curieux et voulaient de la musique, mais ils ne pouvaient tout simplement pas être rassasié. C’était exactement comme quand les gens voulaient la musique des Beatles et des jeans Levi’s derrière le Rideau de Fer en Europe. Quand le rideau est tombé, les gens ont voulu tout ce qu’il lui avait été refusé. Quand je vais à l’étranger,  » Big Pimpin ‘  » n’est pas forcément mon plus grand hit.

 

Parce qu’ils ont plus accès à vos autres musiques ?

Absolument. Alors maintenant, ils ont pu tout écouter et le remettre dans leur contexte. Ils disent à peu de chose prêt : « Big Pimpin’ est un son important, mais ce n’est pas mon préféré parce que j’ai entendu les autres ».

 

Comment étiez-vous reçu à l’étranger ?

C’était toujours incroyable. Je n’ai pas fait de show en Europe avec un taux de participation décevant. Outre-mer, ils comprennent que j’ai parcouru des milliers de miles pour leur apporter la musique. Ils apprécient. Tandis qu’en Amérique, ils savent que je vient de sauter d’un avion il y a deux heures ou autre. Mais quand je vais en Norvège, ils savent que je doit voler jusqu’à Londres et puis prendre un petit avion pour y arriver. Ils apprécient l’effort.

 

Y a t-il un endroit précis dans vos voyages où vous avez été surpris par la façon dont ils connaissaient votre musique ?

C’est une bonne question. La Suisse a été assez surprenante. Mais je pense que le Canada m’a vraiment surpris. Nous avons fait une tournée de neuf villes, de Vancouver à Montréal, qui a couvert tout le pays, et nous avons essayé de savoir : « Bon, quelle ville ne nous connaît vraiment pas ». Mais il y avait des t-shirts  » UGK For Life «  et  » RIP Pimp C «  dans chaque ville. Les gens avaient des vêtements qu’ils ont acheté sur des sites ou sur eBay, et les gars venaient vers moi pour demander des autographes sur huit couvertures d’albums différentes. C’était vraiment incroyable.

 

Tu pense que c’est du à Internet ?

Je pense que ça aide, mais ce n’est pas la seule et unique raison. C’est vrai que ça facilite bien les choses cependant. J’ai été dans cette industrie assez longtemps pour savoir que si les gens veulent de la musique, ils vont la débusquer indépendamment du support. Je me souviens quand tous les meilleurs son hip-hop était sur ​​les faces B japonaises. Vous deviez chasser pour les avoir.

 

Parlez-moi de ta relation avec Travis Barker de Blink 182 et comment tu démarré de travailler avec lui.

J’ai rencontré Travis il ya plusieurs années à Los Angeles, avant son émission de télé réalité et tout. Mais il était encore une rock star très célèbre. Il était très terre à terre et humble. Nous avons eu beaucoup de points commun dans la vie et la façon dont nous avons été élevé et des choses différentes, et nous nous entendions vraiment bien. Et il était du genre :  » Je commence à faire des beats « . Blink venait de stopper depuis environ un an, et il essayait de faire des choses différentes et ne savais pas si les gens seraient réceptifs. Alors je me suis dit  » Ouais mec, je vais faire un enregistrement avec toi « .

Il a produit un titre sur mon premier album solo « Trill », et il a produit un titre sur mon deuxième album solo. Et maintenant, tout le monde dans le hip-hop le connaît pour le remix qu’il fait et l’album est sorti avec, mais j’ai vraiment été la première personne à lui donner une chance en ce qui concerne le hip-hop.

 

Maintenant Blink 182 s’est reformé, et vous avez récemment joué avec eux lors de quelques représentations, non ?

Nous nous sommes retrouvés dans la même ville où ils tournaient un clip, et Travis disait  » voulez-vous venir avec nous ? «  et je répondais  » avec Blink ? Yeah ! « . Il se trouve que c’était le plus grand spectacle de toute leur tournée aussi. J’étais préoccupé par l’accueil de ma présence. J’étais du genre, laissez-moi m’assurer que je connais mon texte et que je ne vais pas gâcher leur spectacle et me casser la gueule devant leurs fans. Je veux peut-être les séduire plus tard pour qu’ils soit fan de moi, on ne sait jamais.

 

Savaient-ils qui tu étais ?

Je suis sorti et j’ai vu plusieurs personnes qui me reconnaissent, mais j’ai vraiment juste essayé de m’assurer de bien faire ce que j’avais à faire. J’ai donc kické le mic et ensuite j’ai quitté la scène pour regarder le reste du spectacle. Ensuite, nous nous apprêtions à aller à l’hôtel, quand je reçois sur ma timeline Twitter des enfants qui lâchent des  » Oh mon Dieu! Bun B vient de posé avec Blink 182 ! C’est incroyable ! « 

 

J’ai entendu dire que tu kiffes Radiohead. Comment as-tu connu leur musique ?

Je pense probablement par le clip  » Creep «  sur MTV.

 

Quel autre genres de musique ou artistes différents écoutes-tu ?

J’aime le punk et le rock. Dernièrement, tout le monde parle du 20e anniversaire de « Nevermind », mais le moment qui que je préfère avec Nirvana est « MTV Unplugged ». Je viens récemment d’acheté cet album pour la deuxième fois, et je l’ai écouté pendant mes voyages. C’est une ambiance totalement différente, et vous pouvez vraiment entendre Kurt Cobain faire son truc à lui.

 

Un artiste en dehors du hip-hop avec lequel tu aurais toujours voulu travailler ?

Nous étions de grands fans de Portishead. Nous avons même fait deux chansons pour notre album sur des beats de Portishead qui ne pouvaient pas être effacés.

 

Comment tu t’es retrouver à travailler avec l’artiste britannique Dizzee Rascal ? Était-ce lors d’un voyage à l’étranger ?

Non, je l’ai rencontré au festival SXSW où nous avions un créneau sur le même spectacle. C’est au moment où le denim japonais connu un grand engouement, et que chacun essayait d’obtenir son jean Evisu. Il y avait cette série qui ils ont fait avec de multiples poches de couleurs différentes, et je me suis dit  » merde, ce sont les jeans que je recherche « . Et il avait des chaussures fresh aussi, et je kiff les baskets, alors de là on s’est parlé.

Nous avons échangé nos numéros et il m’a appelé un jour et m’a dit : « j’ai besoin de quelqu’un extérieure à la situation que je traverse ». Et je me suis dis  » cool, allons-y « . Et depuis, nous avons eu une relation comme un grand frère avec son petit frère. Il est l’un de mes plus proches amis. Je viens de juste de lui parler la nuit dernière.

 

Comment c’était de faire de la musique avec lui ?

C’est vraiment un grand grand fan de UGK, et il n’avait que 18-19 ans à l’époque. Il était très inquiet au sujet du mauvais côté de Pimp C [Rires]. Je pensais « qu’il faut juste être vraie avec lui, c’est ce qu’il aime ».

Tu mentionnes avoir aimé la chanson d’Onyx avec Biohazard il y a quelques années dans une récente interview que tu a fait avec Fishbone sur le site de Complex Magazine. Est-tu un fan de mashups ?

Je le suis quand cela a un sens. Si je suis un fan de votre musique, et vous êtes fan de ma musique, alors peut-être que l’on peut trouver une sorte de juste milieu et de se rencontrer sur elle. Mais quand votre label et votre manager pense que c’est une bonne idée pour nous de se réunir parce que vous êtes chaud en ce moment et je suis chaud en ce moment, cette merde ne fonctionne presque jamais comme elle est censée le faire. Je ne dis pas que ça ne peut pas, mais généralement cela ne marche pas. Les gens ne sont pas stupides.

Mais il y a des moments où on prend un son rock et inversement. Vampire Weekend sont de bons amis, et ils m’ont cité dans leur musique. Ils ont utilisé une de mes lignes sur « Cousins ». Et vous auriez probablement jamais tombé là-dessus à moins d’être un fan de Vampire Weekend, qui vient de juste de devenir un fan de Bun B.

 

J’ai interviewé Asher Roth [né en 1985 à Morrisville Pennsylvanie, rappeur blanc comparé à Eminem NDLR] récemment, et il a dévoilé un moment mémorable pour lui, quand tu es arrivé dans les coulisses de l’un de ses spectacles et que tu lui a montré ton affection. Qu’est-ce qui selon toi lui a permis d’être accepté dans le hip-hop ?

Je pense qu’il a su rester fidèle à lui-même. Asher est qui il est. Son label a utilisé la musique la plus commercialisable, pour être connue par autant de personnes que possible, mais je pense que toutes les autres choses que j’ai vu de lui en dehors de «  I Love College  » le représente bien. Si vous écoutez des chansons comme  » Lion’s Roar  » vous vous rendez compte que le gamin rap vraiment. C’est un lyriciste.

Dans le hip-hop en 2011, si vous vous présentez d’une certaine manière, je ne m’inquiète pas de savoir si vous êtes noir, blanc, latino, asiatique, si c’est faux, le hip-hop va vous le rappeler. En termes de fans et d’auditeurs blanc, n’importe qui dans l’industrie de la musique sait que la majorité des disques sont vendus à des gens avec un revenu confortable. Tout au long de l’histoire du hip-hop, la majorité de ces personnes ont été des blancs. Ces personnes ont d’ailleurs très certainement eu un impact sur la culture, car elles ont décidé de qui est qui.

 

Mais est-ce si différent maintenant pour qu’il y ait tant de rappeurs et de producteurs blancs faisant réellement de la musique plutôt que de simplement l’acheter ?

Pas du tout. Si vous analyser globalement les choses, l’auditeur devient expert. Il y a de plus en plus de gens qui conçoive la musique spécifique à un groupe de personnes.

 

Vous avez enseigné un cours sur le hip-hop et la religion à l’Université de Rice. Avez-vous des étudiants qui rencontrèrent des difficultés pour séparer l’artiste de la fonction d’enseignant ?

Non, car je me montrais d’une certaine manière. Dr. Penn, avec qui je travaillais, a également été catégorique sur ma qualification de professeur, et pas seulement par les étudiants, mais par les collègues de la faculté, parce que si vous enseignez un cours dans une université, vous êtes un professeur, que vous soyez accrédité ou non.

 

Comme père de famille avec une femme et des enfants, et petits-enfants même, qu’est-ce que tu aime faire quand tu ne travailles pas ?

Nous allons à la pêche aujourd’hui. Ils vont préparer le camion dès maintenant.

 

J’ai lu que tu emmène souvent ta famille sur la route avec toi. Ont-ils jamais rencontré aucun problèmes raciaux dans les différentes régions du pays voyageant avec un artiste de rap ?

Pas vraiment, à part les histoires d’hôtel, mais ça c’est amélioré. Le monde est très différent maintenant. Vous passez pour un fou de montrer ouvertement votre racisme.

 

Pensez-vous que les gens identifient toujours l’art du hip-hop comme une musique black, ou est-il devenu si standard que ce n’est plus vu comme ça ?

Je pense que c’est le cas. Comme vous sortez et voyager, vous voyez que le hip-hop touche les gens dans les cultures du monde entier. Ils regardent le hip-hop comme il existait à son origine, comme la voix du peuple. Ils ont vu des gens utiliser le hip-hop pour véhiculer leur message et leur lutte, et ils l’ont fait de la même manière. Pour la plupart, ils ont pris le meilleur de ce que nous avons fait et de qui nous sommes. Le hip-hop des autres pays sont les enfants du hip-hop créé en Amérique. Et nous voulons que nos enfants prennent seulement le meilleur de nous.

 

Mais quid des choses négatives, comme les personnes non-noirs dans le hip-hop tels V-Nasty, la pote de Kreayshawn ou encore DJ Khaled qui utilisent le mot  » N  » ?

Je pense qu’il est temps d’avoir cette conversation. Nous avons été en mesure de parler de tout en Amérique, mais on patine sur le sujet des races. En 2011, ils ont abrogée  » Ne demandez pas, ne le dites pas «  si bien que vous pouvez être homosexuel dans l’armée, mais vous ne pouvez pas parler de race.

 

Pourquoi, après avoir réussi avec tant de questions relatives à la culture et aux droits de l’homme, est-il encore si difficile de parler de race en Amérique ?

Parce qu’il y a des conflits au sein même de celles-ci. Et jusqu’à ce qu’ils soient résolus, on ne pourra pas traiter ces questions en dehors des communautés.

 

Pourquoi une telle controverse entoure le mot « N » ? Parce que les noirs sont toujours en désaccord les uns avec les autres pour savoir s’il est approprié ou non ?

Non, je pense que vous avez une position pour l’utiliser ou non et c’est tout. Il n’y a pas de juste milieu quand vous commencez à utiliser des termes qui ont déjà une histoire. Vous ne pouvez pas vous débarrassez simplement du sens de ce mot comme ça.

Est-ce que cela te dérange si tu entends un gamin blanc dire :  » Je peux utiliser le mot ‘ N ‘. Pourquoi pas ? J’écoute du hip-hop. J’ai des amis black « .

J’ai beaucoup d’amis blancs, et je connais beaucoup de personnes de race blanche. Et je ne connais aucun d’entre eux qui se sentent suffisamment à l’aise autour de moi pour dire avec désinvolture le mot  » nigger  » [ » négro  » NDLR]. J’ai des fans blancs à chaque spectacle, et je n’ai toujours pas remarqué un fan blanc disant  » nigger «  en récitant mes textes !

 

Ils sont toujours conscients de cela.

Comme ils le devraient. C’est la même chose que je ressens quand je balance des insultes en face d’enfants à mon concert, même si l’organisateur me dit que je peux le faire si j’en ai envie. Vous vous sentez toujours mal à l’aise de prononcer « shit » ou « fuck ». Ce n’est pas correct. J’ai toujours été à cheval sur le vocabulaire, donc je n’aime pas que tout le monde utilise des gros mots juste pour le plaisir. Il y a toujours d’autres alternatives.

 

Tu sens que les lignes de couleur s’estompent encore plus maintenant en raison de l’écrasante popularité de la culture hip-hop en Amérique ?

Je pense qu’à travers l’histoire, différentes personnes de différentes races ou de différents styles de vie ont toujours été un peu curieux au sujet de ce qu’ils voyaient, et qu’ils voulaient adopter certaines de ces pratiques. C’est comme Jay-Z disant  » Mazel Tov « . Ce n’est pas qu’il veut être juif. Il a été joué dans différentes salles avec des personnes juives célèbres. Et vice versa, vous voyez les enfants juifs rapper. Je pense que maintenant, les gens ont dit : « Assez avec ça. Je suis fatigué de me cacher. Je veux être qui je veux être. Je tiens à m’exprimer. Je veux au moins essayer « .

 

Interview de Daniel Isenberg

 

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