Les meilleures Mixtapes US de 2017 [REDBULL.COM]

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Durant les années 2016 et 17, la mixtape a traversé un questionnement existentiel : comment son format peut-il être préservé avec l’apogée des « mixtapes commerciales » et autres projets douteux du même acabit ?

Plutôt que d’essayer d’y répondre, le game a simplement fait ce qu’il a toujours fait de mieux : aller de l’avant à un rythme effréné, sans s’occuper des conventions. Avec Gucci, Young Thug, Future et d’autres poids lourds s’éloignant légèrement de la culture mixtape, de jeunes rappeurs comme Playboi Carti, Lil Pump, Trippie Redd et d’autres ont utilisé le format mixtape non seulement pour atteindre leurs fans, mais aussi pour souligner la vitalité de ce support pour toute une nouvelle génération de rappeurs et d’auditeurs.

Le résultat a été une démonstration de la jeunesse pour la plupart, étonnante et vibrante expérimentations et d’une créativité précoce, allant du réalisme grinçant de YoungBoy Never Broke Again et de la millennial-pink pop de Rico Nasty, à la dextérité technique de Kur et à l’humeur nuancée de Kodie Shane. Même Lil B, maître de la mixtape, a déconcerté tout le monde lorsqu’il a sorti celle la plus accessible de sa disco, ce qui paradoxalement en fait sa proposition la plus étonnante à ce jour…

20. Antwon, « Sunnyvale Gardens »

Dans l’obscurité de 2017, c’était rafraîchissant d’entendre une sortie comme « Sunnyvale Gardens ». Toujours dans une ambiance inquiétante – la peur est devenue une force inspirante, poussée par la production lumineuse de Kaytranada, DJ Lucas, Shlohmo et d’autres. Mais, aussi cruciale que soit la production variée pour assurer le succès de la mixtape dans son ensemble, c’est le souffle bruyant d’Antwon qui rend le projet l’exceptionnel. On apprécie son chant bougon sur des titres comme « Shawty Wanna », et il atteint des sommets aériens sur « Tonight ».

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19. Injury Reserve, « Drive It Like It’s Stolen »

Injury Reserve a tout niqué en 2017 ! Avec « Drive It Like It’s Stolen », le trio en provenance de l’Arizona fut acclamé par la critique pour son improbable mélange d’expérimentation et de simplicité, ce qui a donné lieu à une tournée brève mais poignante allant du minimalisme du début des années 2000, en passant par le boom-bap des années 90, pour finir avec du hip-hop indépendant façon âge d’or. Presque tout ce qui se trouve sur « Drive It Like It’s Stolen » ressemble à un hit, depuis le doux crochet de « TenTenths », en passant par les cris de fond Odd Futuresque sur les accords majeurs de « Chin Up ». Mais il y a un esprit indescriptible et curieux qui se répand partout, un esprit qui suggère que ces garçons ne font que s’échauffer.

18. Mila J, « MILAULONGTIME »

Motown n’a jamais réussi à sortir le premier album de Mila J, mais avec deux EPs indépendants et cette excellente mixtape, on ne pouvait pas se plaindre en cette année 2017. Sur « MILAULONGTIME », Mila J se confie sensuellement, bien à l’aise dans la production sombre et spacieuse offerte par I.Rich.

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17. Jonatan Leandoer127 (aka Yung Lean), « Katla »

Qui aurait cru qu’on parlerait encore de Yung Lean plus de quatre ans après le phénomène viral de « Ginseng Strip 2002 » ? Dans une attente insurmontable depuis, tant sur le plan personnel que professionnel, Jonatan Leandoer Håstad a persévéré, pris du recul et, plus important encore, émergeant en 2017 comme un artiste sérieux à défier. Sorti sans fanfare, « Katla » est un projet curieux, même pour le jeune artiste suédois (21 ans). Il s’agit d’une mixtape « ambient », drama et sans beat, entièrement produit par Palmistry. Dans la veine de « Rain in England » de Lil B, « Katla » voit son un art se renouveler, livrant une œuvre qui est à la fois sa plus complexe mais aussi sa plus audacieuse.

16. Adamn Killa, « I Am Adamn »

Il a peut-être l’air d’être toujours sur le point de pleurer, mais Adamn Killa ne doit pas avoir de raisons de le faire. « I Am Adamn » est une belle tape de ce rappeur de Chicago en pleine ascension, qui l’amène à explorer un côté plus doux qui s’exprime au plus profond de la production immersive de Shlohmo, Dolan Beats, Ryan Hemsworth, Brodinski et d’autres producteurs français. Adamn ne s’intéresse pas aux cuts violents de ses contemporains ; c’est une déclaration artistique cohérente et singulière, une arrivée qui sonne beaucoup plus nature et mature qu’elle ne le devrait probablement.

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15. Section Boyz, « Soundcheck »

Avec une urgence claustrophobe et un minimalisme froid, Section Boyz a livré un mixage mortel tout droit sorti de South London avec « Soundcheck ». Le crew des six-MC prend un projet commencé par les précurseurs crasseux et tente de devenir plus sombre, méchant, avec un sens intuitif de la dynamique qui non seulement maintient l’élan sur 19 pistes, mais retient une énergie infectieuse qui oscille entre extase et malaise induit par l’anxiété. La tension est si palpable que je ne pouvais pas m’empêcher de regarder par-dessus mon épaule de temps en temps tout en écoutant.

14. Starlito & Don Trip, « Step Brothers (Karate In The Garage) »

Juste un mois avant que Starlito & Don Trip lâchent le troisième épisode de leur série « Step Brothers », le duo trop sous-estimé a présenté en avant-première leur dernière galette avec un rapide in and out six titres intitulé « Step Brothers (Karate In The Garage) ». Cette mixtape sert de vitrine à l’extraordinaire talent de ces deux rappeurs, qui se complètent ici avec une combinaison parfaite de passion, de rythme et de dynamique. « Step Brothers (Karate In The Garage) » est un rappel ardent que la chimie et la dextérité vont encore loin, très loin, même en ces temps de répétitions absurdes et de rimes circulaires.

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13. DJ Escrow, « Universal Soulja Vol. 1 »

En sortant du groupe de rap Babyfather dirigé par Dean Blunt, DJ Escrow a accidentellement partagé l’une des sorties les plus rudes à l’écoute de 2017, rap ou autre. Tout comme son rôle d’animateur sur le premier « BBF » de Babyfather, Escrow adopte une présence omnisciente, incantation de mots sages et de pensées lanscinantes avec un épais patois et un charme pseudo-philosophique – tout cela « en direct et en direct ». Mais ce qui rend cette sortie particulièrement difficile, c’est la prod – c’est-à-dire, si tu appelles le bruit « production ». Je veux dire littéralement : Escrow freestyle sur des sons de bruits chelous pendant toute la durée de la mixtape. Pas de beats, aucune mélodies – seulement la fureur…

12. Young Dolph, « Gelato »

De nos jours, le game de la mixtape est peuplé de jeunes rappeurs à la recherche de gimmicks bon marché et d’hymnes fêtards, mais ce n’est pas le cas de Young Dolph avec le sombre « Gelato ». Ici, le emcee – qui n’est plus si jeune – affiche une cadence digne d’une machine qui s’accorde à merveille avec le travail rythmique tendu, composé de cliquetis. Plus qu’une simple occasion pour Dolph de naviguer dans les références street et des grivoiseries vantardes d’un parrain, « Gelato » représente la musique de Memphis dans sa forme la plus pointue et la plus insistante. Et, dans le contexte actuel du rap, il est curieusement réconfortant d’habiter dans des coins aussi peu confortables.

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11. Chief Keef, « Thot Breaker »

Personne ne l’a vu venir. Pas même lui ? Mais quand « Thot Breaker » est sorti en 2017, le rappeur de Chicago s’est soudainement revigoré à un degré jamais vu depuis la percée artistique qu’a été le « Almighty So » de 2013. Mais les deux versions ne pourraient pas être plus différentes : alors que « Almighty So » indiquait un avenir menacant fait d’expérimentations effrontées, « Thot Breaker » est la direction vers laquelle la carrière du chef semblait toujours se diriger. Sur cette tape, Sosa ressuscite le titre d’une mixtape inédite qui traitait à l’origine de l’infidélité et le refourgue de la manière la plus (pseudo-)romantique possible, une déclaration qui établit Keef comme un véritable artiste qui a réussi à rester pertinent après toutes ces années tout en variant son répertoire.

10. Kodie Shane, « Big Trouble Little Jupiter »

« Teenage Emotions », le premier album de Lil Yachty en studio, n’a pas vraiment rallié les fans comme il aurait dû le faire, mais la Sailing Team et ses différents membres ont continué à faire bouger les choses en 2017. L’une des meilleures sorties de l’année du crew est la sortie de Kodie Shane. Sur « Big Trouble Little Jupiter », la prometteuse rappeuse présente une mixtape à la fois calme et ambitieuse qui renonce aux synthés pétillants et aux rythmes enflammés de ses contemporains du Sailing Team au profit de quelque chose de plus nuancé, de plus réfléchi. Si tu recherches un style positif à la Lil Yachty, tu ne peux pas te tromper avec, par exemple, le « Flex Muzik » de K$upreme. Mais si tu aspires à quelque chose de plus profond et de plus inattendu, « Big Trouble Little Jupiter » est fait pour toi.

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9. Kur, « 180 »

Tu cherches du solide, du compact ? La mixtape « 180 » de Kur est la dense réponse. Le jeune rappeur de Philadelphie fait défiler 18 morceaux complexes et rapides avec le talent d’un chevronné. Mais Kur n’a que 23 ans et ses intonations lumineuses et ses exquises tours de langue bénéficient d’un vaste espace pour s’étendre et s’épuiser. Sauf que Kur ne manque jamais d’air – il saisit chaque chanson jusqu’à la fin, laissant souvent ses rimes s’accumuler continuellement jusqu’à des climax à couper le souffle qui semblent durer éternellement. Il est facile et vivifiant…

8. Tay-K, « Santana World »

En ce qui concerne Tay-K, son succès – qu’il soit justifié ou non – fut validé dès qu’il a sorti « The Race », un petit bang écrit et enregistré alors qu’il était en cavale. Le brouhaha intégrée au récit joue certainement un rôle dans la manière et la raison pour laquelle nous écoutons Tay-K – mais « Santana World » offre un des rap les plus hood de 2017, depuis le très remixé « I Love My Choppa » jusqu’à l’incroyable « Saran Pack ». Tay-K n’a que 17 ans, mais il a déjà un son propre à lui, s’écartant de la tendance Miami et résolument différent de la trap d’Atlanta. Indépendamment des histoires qui l’accompagnent, Tay-K a forcé la porte de la culture, et les plus grands sceptiques ne pensent qu’à remettre en question son talent.

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7. YoungBoy Never Broke Again, « AI YoungBoy »

Alors qu’une grande partie de la jeune classe du hip-hop se nourrit d’hédonisme et d’excès, NBA YoungBoy, est clairement dans sa propre voie. En 2017, le jeune homme de 18 ans de Baton Rouge a renforcé sa street credibility avec trois mixtapes, dont la seconde – « AI YoungBoy » – est la meilleure illustration de son réalisme. C’est de la musique rap pour auditeur sérieux, au-delà de la nature intrinsèquement fugace des rappeurs de SoundCloud. C’est comme la différence entre G Herbo et votre rappeur typique de Chicago : relativement light à première vue mais dans des mondes éloignés quand on ose se salir et s’approcher.

6. Rico Nasty, « Tales of Tacobella »

Rico incarne son alter ego sur cette tape, Tacobella. Une confiserie pop sans âme avec de la dentelle autour. Contrairement à la mixtape « Sugar Trap 2 », où la méchanceté de son personnage de Rico Nasty tempérait les choses, « Tales of Tacobella » est sans violence. Tout est ponctué de refrains qui font mouche et de mélodies charmantes, avec à la fois une impertinence qui imprègne la pop comme du poison et un delivery moqueur qui nous fait rire. C’est un équilibre troublant que peu de gens ont réussi à atteindre…

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5. Tee Grizzley, « My Moment »

Si un rappeur commence son premier projet avec un titre a capella prolongé, on sait qu’il a de sérieuses capacités. C’est ce que fait Tee Grizzley sur sa mixtape, « My Moment », dans la veine du buzz provoqué par son son premier single « First Day Out » en 2016. Comme ce single, les paroles de « My Moment » ont été écrites pendant son séjour en prison, ce qui explique pourquoi les paroles de Tee ont un tel poids. Et comme si les rimes impeccables et son flow naturaliste ne suffisent pas, l’artiste de Detroit peut même chanter un refrain comme un pro, notamment sur le titre « Testimony ». Aussi à l’aise sur un Sonny Digital trap banger qu’un DJ Mustard slapper, Tee Grizzley déborde de talent – et il le sait aussi : « Je peux faire ça sans effort ». Pas étonnant que LeBron et Jay-Z n’arrêtent pas de parler de lui.

4. Lil Pump, « Lil Pump »

Aucun rappeur en 2017 n’a autant exploité le potentiel de SoundCloud que Lil Pump, mais en regardant de plus près les stats de cet adolescent de 17 ans, on perçoit mal son influence sur le son hip-hop. Certains pourraient même décrier la prétendue qualité de sa musique, mais ce qui apparaît sur sa mixtape éponyme est simplement sa capacité étrange à distiller l’esthétique de Miami dans un son lourd, addictif et électrisant qui ne manque pas de personnalité. Pump, Smokepurpp et consort on ouvert cette voie avant même que l’on comprenne ce qui se passe…

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3. Trippie Redd, « A Love Letter To You 2 »

Ce n’est pas souvent qu’un artiste possède à la fois un flow époustouflant et une gamme vocale étonnante, c’est pourquoi Trippie Redd est un rappeur à ne pas perdre de vue. Après une série d’EP en 2016, l’artiste de l’Ohio a finalement sorti sa première mixtape l’année d’après, suivie peu de temps après par son deuxième volet, « A Love Letter To You 2 ». La tape présente une profondeur sans précédent et un Trippie toujours modulant, dont les voix gémissantes portent à l’infini. Le fait que cette suite améliore presque toutes les facettes de ses débuts témoigne de sa progression rapide et, espérons, de la trajectoire que l’on peut attendre de lui. Déjà en tant qu’artiste guest, Trippie Redd a prouvé qu’il était capable d’apporter quelque chose de vraiment stimulant à un marché musical de plus en plus saturé.

2. Lil B, « Black Ken »

La mythologie définit Lil B, ou l’inverse. L’attrait du BasedGod repose en grande partie sur sa capacité à rendre celle-ci inextricablement liée à sa musique. Au cours des dernières années, il l’a fait avec un tel succès que le rappeur de la Bay Area est peut-être l’artiste le plus légitime pour remettre au goût du jour la cult-fanbase. Et c’est une bonne chose, surtout quand ce qui pourrait être considéré comme un virage à gauche comme « Black Ken » est en fait son projet le plus conventionnel dans un contexte musical plus large. C’est un tour de passe-passe bien pensé, car en comparaison avec la création habituelle Lil B, d’une consciente subversion, cet album conventionnel en surface a fini par devenir ironiquement l’un de ses albums les plus bizarres – une autre facette de l’une des figures les plus singulières et inspirantes du rap. Comment résister ?

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1. Playboi Carti, « Playboi Carti »

Playboi Carti a peut-être lâché ce projet le pire jour de 2017 : le même jour que « DAMN. » de Kendrick Lamar. Mais aucune date ne pouvait changer le fait que « Playboi Carti » était l’un des meilleurs rookie début de ces dernières années, mixtape ou non. Sur 15 titres spacieux et épurés, l’ancien associé de Awful Records et membre actuel de l’AWGE pousse son flow narcotique et ses phases répétitives dans des zones inattendues, allant au-delà du lyrisme ordinaire pour arriver à quelque chose de plus fondamental, de plus tangible.

On a beaucoup parlé de la relation de Carti avec le producteur Pi’erre Bourne, un duo rappeur/producteur magnétique qui, si les choses continuent d’avancer de la sorte, pourrait entrer dans l’histoire du rap aux côtés de Gucci et Zaytoven, Future et Metro Boomin, Eric B et Rakim. Le rêve quoi. Mais le mixtape de Carti propose également des beats de choix comme Harry Fraud et Southside, avec le très beau titre « Flex » de KasimGotJuice et J. Cash Beatz. En fin de compte, c’est « Magnolia » de Pi’erre Bourne qui a vraiment défini non seulement cette mixtape, mais aussi 2017. Chanson de l’année, mixtape de l’année. Espérons que Carti garde ce son minimal, hypnotique et avant-gardiste.

Pack de 4 Mixtapes de Playboi Carti à télécharger ici

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